lundi 14 novembre 2011

Mademoiselle Marla, une débutante parmi nous

Une fête étudiante un samedi soir à Grenoble. Les mêmes étudiants de la même école qui se retrouvent entre eux chaque weekend pour boire. Beaucoup. Ce samedi, sur toutes les lèvres, le même nom : Marla.
La rumeur est allée vite. Le vendredi soir, un étudiant apprend qu’une étudiante de la promo inférieure fait du porno. Et du lourd, un réalisateur connu. Pas une petite vidéo amateur postée sur Youporn. Ça mate sur tous les Iphones, ça raconte les détails crus aux filles qui poussent des petits soupirs horrifiés. Tout le monde est apparemment sous le choc. Et, le plus choquant peut être, mademoiselle Marla, aux dires de ceux qui la situent vaguement, semble absolument assumer ses pratiques libertines.
Je tends l’oreille d’un groupe à l’autre, et les réactions des hommes comme des filles m’interpellent sur plusieurs points.

Premièrement, délit d’hypocrisie masculine manifeste. Ne faisant pas partie des filles qui ignorent - ou veulent ignorer - que la masturbation est un rituel quasi quotidien des soirées de nos camarades à barbes, porno en ligne à l’appui, je rigole en effet doucement quand j’en entends certains douter des qualités morales de Marla. Il me semble déjà que la manière dont les activités parallèles de la jeune femme ont été découverte est peu orthodoxe. Alors pourquoi cette répulsion affichée ?

Peut être ce simulacre de dégoût est-il destiné à entretenir la naïveté des autres jeunes filles, qu’on veut laisser dans l’illusion de croire que nous sommes les seules qu’ils adorent, dans toute notre candeur. Les Marla, leurs faux cris et épilations intégrales, très peu pour eux.
Ou peut être est-ce autre chose. Peut être sont-ils gênés de voir des rapports violents qu’ils tolèrent chaque soirs dans la virtualité prendre vie devant eux. Cette chose abstraite qu’est l’actrice porno, objet de transfert secrètement admis, sur laquelle il n’est plus interdit de projeter tous ses fantasmes bien sales, s’est vue brutalement renvoyée au rang d’être humain. Et quand l’actrice porno aurait pu être une partenaire d’exposé, c’est leur sexualité fantasmée et larvée qui prend corps pour les renvoyer aux perversions qu’ils n’osent pas encore explorer, car ils sont jeunes.
Plus possible alors de cacher ses fantasmes les plus honteux derrière des pixels : c’est le tag « DP » qui prend tout son sens, sous une jupe qui arpente les couloirs de l’école, la mémoire chargée.

Bien sûr, les actrices porno sont venues endosser le rôle des putains des anciennes maisons closes, autrefois destinées à contenir toutes les pulsions déviantes en un lieu clos. Mais si les jeunes hommes entraient dans la sexualité en passant les portes des bordels, aujourd’hui ils n’ont plus qu’à ouvrir une fenêtre et, tristement, tout ce qui est offert à leur regard est soustrait à la rencontre. Je veux dire, à la rencontre de chair.
Devant l’abondance sans fin et la diversité presque exhaustive des images, les réactions masculines au buzz « Marla » me laissent enfin penser qu’à force de s’user les yeux, ils risquent de se désapproprier leur propre sexualité au profit d’une sexualité admissible car elle n’existe tout simplement pas. Entendons ailleurs que dans leurs mouchoirs et leurs historiques.

C’est avant tout dommage pour les jeunes femmes qui ne connaissent que les effets néfastes de ces pratiques virtuelles. Les « trash » et « dégueulasse » venant qualifier la vidéo découverte dans les bouches féminines viennent sans doute de là. Un exemple des effets néfastes éprouvés : quand les hommes avec qui elles couchent exécutent mécaniquement une liste de gestes érotiques banals, sans passion et sans fougue. Une liste comme une reproduction méthodique - voire mécanique - de ce que les écrans montrent sans cesse. Si regrettable devant les jeunes femmes de chair.
Nous ne sommes pas dupes. Au fond, je me dis que les réactions si virulentes des autres étudiantes sont l’expression d’une forme de rivalité avec les égéries du web - ces voleuses de tous les fantasmes qui auraient pu être investis en nous. Pourtant, en accablant celles qui ont accaparé toute l’imagination pour ne nous laisser que des listes, elles se trompent de cibles.

Sans rancune. Un jour j’irai voir Marla pour lui dire qu’elle reste malgré tout une jeune femme respectable. Non pas parce qu’elle défie le regard des autres en souriant insolemment, un pénis sur l’épaule, mais parce qu’elle a le courage, elle, d’agir en accord avec ce qu’elle aime. Son corps doive-t-il se perdre dans des milliers de pixels.

2 commentaires:

  1. http://www.jooks.fr/aaa/faut-il_arreter-de_se-branler/

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  2. Je vous ai malencontreusement confondu avec une autre Emma B. qui me recommande de passer par les commentaires pour vous contacter.

    Un ami m'a présenté votre blog avec moult compliments (ce qui me surprend étant donné ses opinions habituelles). il semble que finalement vous ne soyez pas aller voir cette jeune femme qui cependant a apprécié l'article en le découvrant.
    Pour ma part l'ensemble de votre propos notamment sur l'érotisme et la sexualité me semble intéressant et je serai ravi de partager la suite de vos réflexions.

    Nous tentons parfois avec ma chère et tendre d'aborder ce sujet de manière qu'on espère originale (clsetcls.com)

    c_segi @ yahoo.fr

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